Des nouvelles de la mission Guadalquivir-2

 Une nouvelle villa monumentale du conventus cordubensis

El Cercado

(Posadas, province de Cordoue)

 

La seconde mission de recherche du programme OLEASTRO du LabEx Archimede a commencé le 10 septembre et se poursuivra jusqu’au 13 novembre. Elle est destinée à documenter par des prospections pédestres et électro-magnétiques ainsi que par la fouille d’au moins deux ateliers, la problématique de la production d’huile et d’amphores dans la vallée du Guadalquivir, à l’époque romaine.  

Pendant la première semaine, une équipe de prospection composée de S. Mauné, I. Gonzalez Tobar, V. Barrier, M. Perreira et M. Carbajo s’est rendue, grâce à et avec, D. Garcia Arrabal, au lieu-dit El Cerrado, sur la commune de Posadas, à environ 1 km au nord du centre urbain actuel.

Une grande villa, occupe une surface très importante et les vestiges se répartissent sur un méplat collinaire — et sur ses pentes — qui domine la rive droite de l’arroyo de La Vega.

 

Vue aérienne de la villa d’El Cercado (cl. V. Lauras CRV-Nature Passion ; LabEx ARCHIMEDE)

 

Elle est parfaitement inédit — ni G. Bonsor en 1931,  ni M. Ponsich dans les années 1970 et 1980, ne le signalent — et se trouve à proximité d’un Cortijo construit en 1882. La villa domine toute la partie inférieure du bassin versant de La Vega et la rive droite du Guadalquivir, qui se trouve à 900 m à l’est.

L’existence de ce site se signale en premier lieu par la présence, à l’entrée des bâtiments du Cortijo, de blocs en grand appareil et surtout d’une grande mola olearia de chronologie antique, révélant ce qui ne surprend guère, une activité de production d’huile. Les vestiges antiques les plus significatifs sont situés dans le parc, à l’ouest des bâtiments et correspondent à un bassin de plan circulaire (env. 6 m de diam.), conservé sur la moitié de son emprise, qui présente au nord, une abside encadrée par ce qui ressemble aux négatifs de deux fontaines à gradins (?).

Vue générale de la moitié nord conservée du bassin circulaire (cl. St. Mauné ; LabEx ARCHIMEDE)

 

Derrière l’abside est visible un vaste niveau de circulation constitué de galets noyés dans un mortier gras, de facture antique. Une source située en contrehaut, à une trentaine de mètres, alimentait probablement ce bassin circulaire mais l’installation d’une piscine dans les années 1970 a entrainé un important bouleversement du secteur. Ces vestiges pourraient appartenir à un nymphée équipant une aile ou un pavillon résidentiel de la villa.

Apparemment, on se trouve ici dans l’emprise du vaste site qui s’étend immédiatement à l’ouest dans une très grande parcelle actuellement cultivée en blé. Sur sa bordure orientale, D. Garcia Arrabal nous a montré la présence de très importants restes de bassins d’époque romaine détruits à la pelle mécanique, dont le plus imposant fait 3 m x 1,40 m. Ces éléments, au moins une quinzaine, appartenaient vraisemblablement à une piscine froide de thermes ou bien à une natatio car leurs dimensions renvoient à une structure de grande taille, d’une profondeur minimale d’1,10 m. A environ une cinquantaine de mètres au nord de ces restes d’architecture, se trouvait au milieu des labours, un bloc en calcaire coquillier correspondant à une corniche moulurée de grande taille (FIG 3) qui devait appartenir à la pars urbana de la villa. Selon D. Garcia Arrabal, une mosaïque aurait d’ailleurs été détruite, il y a quelques années, dans ce secteur de la villa.

 

 
Vue de la corniche en calcaire coquillier (cl. St. Mauné ; LabEx ARCHIMEDE)

 

Enfin, à l’extrémité occidentale de la villa, à une vingtaine de mètre de la clôture qui limite les terres du Cortijo et lui a d’ailleurs donné son nom (El Cercado), se trouve un bosquet de deux oliviers, envahis par la végétation, qui recouvre les vestiges bien conservés de deux bassins s’étendant sur au moins 5 m de long et sur une largeur minimale de 1 m. Il pourrait s’agir d’un dispositif destiné à la production d’huile, faisant écho à la présence d’une mola olearia à l’entrée du Cortijo.

La villa occupe nous l’avons déjà dit une vaste surface, environ 4 ha, qui a pu être circonscrite en raison de la coloration grise foncée du sédiment, se détachant très fortement du reste de la parcelle, et surtout par la présence d’un nombre infini de fragments de tuiles, briques, fragments de sols en béton de tuileau, de revêtements en marbre, et de blocs de pierre de toutes tailles qui proviennent de la destruction des architectures antiques. Quelques éléments céramiques ont été observés qui plaident en faveur  d’une occupation s’étendant entre le Ier s. et le IVe s., sans préjuger d’une chronologie plus ample.

Il est vraisemblable que la pars urbana occupait le méplat qui constitue le sommet de la parcelle et que des systèmes de terrasses se développaient au sud, à l’est, vers le bassin circulaire (nymphée ?), et au nord de celui-ci, supportant des constructions dont les débris sont visibles au sol. Les pentes importantes présentes à l’est et au sud font supposer l’existence de terrasses, voire de cryptoportiques. On a pu en effet observer, non loin du fragment de corniche, un vide de plusieurs m3 accessible par un trou de 90 cm de diamètre, pouvant indiquer la présence d’espaces souterrains en partie conservés.

Les données recueillies, même si elle ne proviennent que d’observations visuelles de surface, autorisent à restituer ici une grande villa monumentale, occupée durant au moins 4 siècles, dont le fundus pourrait correspondre à la partie inférieure du bassin versant de La Vega.  Il s’agit assurément d’un site majeur pour comprendre la dynamique d’occupation et de mise en valeur de ce secteur de la rive droite du fleuve, situé au contact de la riche plaine alluviale et des premiers reliefs de la Sierra Morena. Sans doute n’est-il pas trop risqué d’affirmer que cet établissement luxueux a successivement appartenu à de riches familles de l’aristocratie romano-hispanique, du conventus ou de la colonie de Cordoba/Cordoue.

Par ailleurs, la réflexion doit intégrer l’existence, non loin de la confluence de La Vega et du Guadalquivir, de l’atelier d’amphores à huile Dr. 20 de la Dehesa de Arriba, la figlina Trebiciana, active entre la première moitié du Ier s. et la seconde moitié du IIIe s., qui pourrait avoir appartenu, pendant tout ou partie de sa longue activité, à la villa d’El Cercado. C’est du moins ce que suggèrent leur proximité topographique, leur appartenance au même bassin versant et leurs chronologies similaires. Les prospections réalisées dans l’emprise de cette figlina occupant une surface de 1 ha, ont permis de recueillir une abondante documentation et de préciser sa chronologie d’apparition, désormais fixée dans le second tiers du Ier s. ap. J.-C. Cet atelier reste actif jusque dans le courant du IIIe s. Dans le cadre de sa thèse consacrée à l’implication des élites du conventus de Cordoba dans la production d’huile et d’amphores, I . Gonzalez Tobar  va désormais pousser plus loin l’analyse en enquêtant sur l’ensemble du bassin inférieur de La Vega.