Maria BIANCO est docteur en histoire.
Elle soutient sa thèse intitulé « Les Phéniciens et les Grecs en Méditerranée : étude de leurs relations à travers les témoignages épigraphiques (du Ve au IIe av. J.-C.) » le 30 Septembre 2017 à l'Université Paul Valéry Montpellier 3.
RÉSUMÉ
L’existence de textes rédigés à la fois en caractères grecs et phéniciens, provenant du pourtour de la Méditerranée, notamment pendant la deuxième moitié du Ier millénaire av. J.-C., a fait naître l’hypothèse d’un bilinguisme gréco-phénicien.En nous appuyant sur un corpus épigraphique exhaustif, qui dépasse même les limites d’un recueil des textes rédigés en deux langues, nous avons exploré les conditions de mise en contact et d’interaction qui ont généré diverses formes de multiculturalisme, dont témoignent les inscriptions. En partant de la microstructure des énoncés, des mots, de la phonologie et de la morphologie des textes, sans négliger l’étude matérielle des supports, qui contiennent et intègrent les textes, cette thèse analyse les conditions, modalités et effets de la cohabitation entre le phénicien et le grec, entre les Phéniciens et les Grecs. La réalité du bilinguisme gréco-phénicien s’est ainsi révélée plus complexe qu’on n’imaginait, si bien que ce label a montré ses limites et son inaptitude à cerner, caractériser et comprendre des phénomènes variés et modulés, qu’une approche dynamique, tenant compte des cas particuliers, permet de mieux saisir. D’un bout à l’autre de la Méditerranée, Grecs et Phéniciens ont échangé en termes de pratiques langagières, onomastiques et rituelles. L’étude des anthroponymes, ainsi que de la médiation opérée par les divinités, spécialement visible dans les dédicaces bilingues, qui, par le truchement du mécanisme de l’interpretatio, associent un dieu d’un panthéon et un dieu de l’autre, se sont avérées des portes d’accès privilégiées pour l’enquête sur les contacts entre ces deux peuples, en nous introduisant dans les mailles profondes des réseaux de leurs relations
Ce projet de recherche vise à l’analyse des rapports entre les Grecs et les Phéniciens, conduite à travers la documentation épigraphique. Les inscriptions sont l’unique source directe pour la connaissance des Phéniciens, et, à ce jour, il n’existe aucune étude ayant pris systématiquement en compte les témoignages épigraphiques pour l’examen des échanges, des contacts, des transferts culturels entre ces deux peuples. La distribution spatiale et temporelle des documents épigraphiques que je prends en compte, a établi d’elle-même un arc chronologique et un périmètre géographique : les documents se multiplient à partir de la période achéménide et se concentrent dans le quadrant oriental de la Méditerranée. Chypre, les îles égéennes, la Grèce continentale, sont les lieux privilégiés, où l’on rencontre des communautés et des établissements phéniciens de divers types, qui s’intégrèrent à différents niveaux dans le territoire local.
Le critère de choix des inscriptions dont le corpus se compose est le bilinguisme, « manifeste », dans le cas des inscriptions bilingues, « caché », pour les inscriptions, soit en grec soit en phénicien, choisies sur la base de leur intérêt pour l’analyse. Relevant de milieux bi- ou multiculturels, le bilinguisme des inscriptions en est un même temps l’expression et une piste pour les rapprocher de près. En partant de la microstructure du texte, la phonologie et la morphologie des textes ne nous révèlent pas moins que l’étude matérielle des supports, qui contiennent et intègrent les textes. En approchant le phénomène du bilinguisme d’un point de vue macro-structurel, on a constaté qu’il permet à la fois de relever et d’investiguer des problématiques fondamentales, telles que le mélange des cultures en contact, le dosage entre acculturation et préservation identitaire, les dynamiques d’intégration.
L’onomastique constitue le champ d’analyse privilégié, en raison de la nature même des documents, qui offrent de nombreux exemples de noms personnels. En migrant d’une langue à l’autre, ces derniers sont transcrits, traduits, toujours adaptés (sauf de rares cas) dans la langue d’arrivée. Avec les noms ce sont les divinités qui voyagent : l’onomastique sémitique, plus que la grecque, se compose pour la plupart de noms théophores. C’est ainsi qu’à travers l’étude de l’onomastique un autre chapitre vient se proposer à l’enquête historique de notre travail : la religion. La rencontre des divinités d’un panthéon et de l’autre aboutit à des phénomènes d’identification divine, résultat différent des formes de départ et conséquence naturelle du croisement culturel.
Bibliographie
À paraître
M. Bianco, « Considérations sur les anthroponymes phéniciens transcrits en grec dans les inscriptions bilingues gréco-phéniciennes », Semitica et Classica, 8, 2015. C. Bonnet, M. Bianco « Sur les traces d'Athéna chez les Phéniciens », Pallas, 100, 2016.