Economie et eXploitation des milieux en NARbonnaise Centrale

Programme 2020-2022 du LabEx ARCHIMEDE

Chronique 2020

Le programme/PCR EXNARC (2020-2022) du LabEx Archimede concerne les interactions entre l’économie et l’environnement, pendant le Haut-Empire dans la région d’Aspiran/Cabrières (Fig. 1). Il repose en particulier sur l’analyse des rapports entre le district minier cuprifère de Pioch Farrus (Noël Houlès dir., ACAC ; https://acaccabrieres.blogspot.com) et l’exploitation agricole des espaces actuellement couverts par la garrigue. Il a aussi pour objectif de mieux appréhender les relations entre cette zone et les coteaux et la plaine alluviale d’Aspiran où plusieurs fouilles programmées mettent à disposition d’abondantes données. Le programme regroupe des archéologues professionnels (CNRS et Université ; société Globedrone) et des membres de diverses associations locales très impliquées dans l’étude et la sauvegarde du patrimoine archéologique (ACAC, CAMP, GREC)

 

Figure 1 - emprise géographique du programme EXNARC du LabEx Archimede (doc. S. Mauné CNRS del.)

 

Au printemps, l’équipe de l’ACAC, avec le soutien de la société Globedrone, a repéré, cartographié et exploré des entrées de mines antiques mal connues ou inédites situées autour de l’établissement rural antique de la Combe de Fignols (Fig. 2). Ces découvertes interrogent sur la contemporanéité, ou pas, d’activités économiques a priori différentes et permettent aussi d’étendre l’emprise du district minier dans la partie nord-occidentale des Monts de Cabrières.

 

Fig. 2 : une entrée de mine de cuivre en cours d’exploration par l’ACAC (cl. N. Houlès ACAC del.)

 

Durant l’été, une équipe de 35 étudiants de Montpellier et de bénévoles de la région de Pézenas/Clermont-l’Hérault a travaillé pendant cinq semaines à Saint-Bézard et à la Combe, sous la direction de Stéphane Mauné, d’Ophélie Tiago Seoane, de Quentin Desbonnets, d’Oriane Bourgeon, de Vincenzo Pellegrino et de Jordan Latournerie et avec la coll. de Ch. Carrato. Ces opérations, chantiers écoles d’archéologie de l’UMR5140 ASM ont été financées par le Ministère de la Culture, le Centre National de la Recherche Scientifique, le Conseil départemental de l’Hérault, la Région Occitanie et la commune d’Aspiran.

À la Combe de Fignols qui avait fait l’objet à la fin des années 1970 d’une fouille programmée réalisée sous la direction de Jacques Belot (GREC) et de Christian Olive (MCC-SRA Lang./Rouss.), le plan de l’établissement comprenant notamment des installations de production de vin a été complété (Fig. 3) et finement datée grâce à la découverte d’une très belle monnaie trouvée dans la fondation de l’un des murs. L’objectif de la fouille de 2021 sera de localiser et de fouiller le point d’eau/citerne nécessairement présent dans cet ensemble et indispensable à sa survie ainsi que les bâtiments qui ferment la cour vers l’Est.

 

Fig. 3 : vue aérienne de l’établissement de la Combe de Fignols fin juillet 2020 (cl. Globedrone-V. Lauras/EXNARC del.)

 

À Saint-Bézard, la fouille a concerné les 1200 m2 occupés par la cour centrale, le grand chai vinicole oriental et la façade nord de la villa dont le plan, d’une symétrie parfaite, est désormais complet (Fig. 4).

 

Fig. 4 : vue aérienne de la villa de Saint-Bézard avec, au centre, la grande fontaine à deux bassins et le puits (cl. Globedrone-V. Lauras/EXNARC del.)

 

Cette campagne a été riche en découvertes puisqu’elle a notamment permis la mise au jour d’une très belle tête d’Éros en marbre blanc de Carrare (?), vraisemblablement issue d’un atelier italien (Fig. 5). Cette pièce tout à fait exceptionnelle a été trouvée dans les niveaux de destruction/abandon d’une grande fontaine à deux bassins opposés de 9 m de longueur. Elle appartenait vraisemblablement à un petit groupe statuaire alimentant en eau le bassin oriental. Sont également apparus les fragments d’une belle mosaïque pariétale en bleu d’Égypte, surmontée d’un enduit peint polychromes confirmant le raffinement de cet ensemble décoratif (Fig. 6). Les deux bassins étaient séparés par un canal qu’enjambait l’axe viaire qui, depuis le porche d’entrée, permettait d’accéder à l’aile sud où sont restituées, dans les étages, les pièces d’habitation du maitre du domaine. Installée au centre de la cour à péristyle, cette fontaine pourrait être, à titre d’hypothèse prudente, un nymphée, c’est-à-dire le lieu abritant les divinités liées à la source du Costou alimentant la villa en eau pendant ses cinq siècles d’occupation.

Fig. 5 : Éros en marbre de Saint-Bézard (cl. S. Mauné CNRS del.)

Fig. 6 : mosaïque en bleu d’Égypte de Saint-Bézard (cl. S. Mauné CNRS del.)

 

Cet ensemble qui monumentalisait la cour de la villa fait écho à la natatio voisine de 280 m2, la plus grande actuellement connue dans les Gaules (Fig. 7). Sa grande abside d’où jaillissait l’eau vive amenée par un aqueduc abritait probablement des niches ornées de statues comme semble l’indiquer la cuisse en marbre blanc de l’une d’entre-elles, découverte en 2011 dans un niveau du IVe s. situé à quelques mètres de cette grande piscine extérieure.  

 

Fig. 7 : vue zénithale aérienne de la villa de Saint-Bézard fin juillet 2020 avec la grande natatio à gauche (cl. Globedrone-V. Lauras/EXNARC del.)

 

À moins de 2 m de la fontaine a été découvert un puits dont la présence ici est très surprenante compte tenu de ce que l’on sait de l’approvisionnement en eau de la villa, assuré par des tuyaux sous pression, puis à partir des années 70 ap. J.-C., par un aqueduc. Peut-être était-il utilisé par la population du domaine et des environs dans le cadre de pratiques magico-religieuses en lien avec cet éventuel nymphée. On sait en effet que ce type de structure souterraine était considéré par les anciens comme propice à la communication avec les divinités chtoniennes et pouvait par conséquent accueillir des offrandes.

La fouille de ce puits sera la priorité de la campagne de juillet 2021 et l’on peut espérer qu’il livrera d’autres éléments décoratifs de la fontaine permettant de préciser son statut et sa ou ses fonctions. Par ailleurs, son comblement stratifié constitue un milieu humide anaérobie, particulièrement propice à la conservation des macrorestes, indispensables à l’analyse de l’économie végétale de cet ensemble domanial. Il apportera donc du grain à moudre aux problématiques du programme EXNARC.