Fouille d'un puits antique

Au mois de mars 2015 a été fouillé, par une équipe de l’UMR5140 « ASM » de Lattes-Montpellier/LabEx Archimede et l’association « Archéopuits » (J.-M. Fémenias), un puits antique d’une profondeur de 23 m, dont le comblement très riche a livré une série de restes et d’objets tout à fait extraordinaire.

 

Un site un peu énigmatique

Site de fouille du puits

Le puits est situé dans l’emprise du grand établissement gallo-romain de l’Auribelle à Pézenas (Hérault) qui appartient à un probable quartier périphérique d’une agglomération antique établie sur la rive gauche de la rivière Peyne, au pied de l’oppidum protohistorique de Saint-Siméon. Le site de l’Auribelle a fait l’objet, entre 2000 et 2004, d’une fouille programmée réalisée par une équipe du CNRS dirigée par S. Mauné et R. Bourgaut.

L’établissement se caractérise par des activités artisanales spécifiques — tabletterie et production d’objet en acier — et par la présence de thermes et d’un grand moulin hydraulique alimenté par un aqueduc.

 

Une fouille délicate

L’opération menée en 2015 a nécessité la mise en place d’une imposante structure de sécurité et le recours à de puissants dispositifs de pompage pour assurer l’évacuation de l’eau boueuse.

 

 

 

 

 

 

 

 Après la fouille de 13 m de sédiments constituants le colmatage du puits lié à son abandon et dans lequel ont été notamment retrouvés l’un des blocs monolithiques de sa margelle, ainsi que les restes de plusieurs dolia, le premier niveau de fonctionnement est apparu sous la forme d’un ensemble de six vases de puisage.

 

 

Ce lot de cruches entières surmontait 10 m de comblement où alternaient couches de fonctionnement et niveaux de dépotoir ou de dépôts organisés et volontaires. Ces derniers interrogent sur l’histoire de ce puits, tout comme la présence de restes humains.

 

 

 

 

 

 

La mise en place d’une plateforme de traitement des sédiments a permis de recueillir la totalité des objets qui ont bénéficié de mesures de traitements de conservation spécifiques, avant restauration.

 

 

 

Un travail de longue haleine

Le mobilier recueilli, en excellent état de conservation, est très abondant et comprend plusieurs centaines de vases et d’amphores, de la vaisselle en bronze, une vingtaine de monnaie, une quinzaine de lampes à huile, de la vaisselle en verre, des dizaines d’objets en métal, près de 200 objets en bois gorgés d’eau, des restes de végétaux en tout genre, de nombreux ossements de faune ainsi que de très importants lots de pépins de raisin, de noix et de noyaux de pêches.

 

Une équipe pluridisciplinaire associant des chercheurs de plusieurs laboratoires du CNRS et des universités de Montpellier 2 et 3 s’est rapidement constituée pour travailler sur cet ensemble, exceptionnel à plus d’un titre et qui va nécessiter plusieurs années d’effort.

 

Des résultats neufs et prometteurs

Dans l’état actuel des recherches, ces lots stratifiés, dont le séjour dans l’eau, à l’abri de l’oxygène et de la lumière, a favorisé la conservation, s’échelonnent de la seconde moitié du IIe s. jusqu’au milieu du IIIe s.  Ils révèlent un pan totalement inconnu des pratiques et usages domestiques ou artisanaux à l’époque antique, grâce notamment à la mise à jour d’objets en bois de typologie inconnue. Ils ouvrent également de nouvelles perspectives d’études, en particulier en ce qui concerne la recherche sur l’ADN ancien, grâce à la présence de restes organiques de végétaux.

 

Ils invitent aussi à reconsidérer la fonction magico-religieuse des puits, déjà pressentie mais jamais mise en évidence de façon aussi nette. En effet, M. Feugère (CNRS, UMR5138-Lyon), chargé de l’étude des petits mobiliers métalliques a identifié parmi les objets en plomb, quatre defixiones qui sont des tables d’exécrations.

 

 

Roulées ou pliées, ces fines plaquettes de plomb portent, incisés en lettres cursives, des textes à vocation magique destinés à attirer le malheur sur des personnes, nommément citées. Ces textes sont en cours d’édition par M. Feugère et P.-Y. Lambert (CNRS, UMR8546-AOROC, Paris), tout comme ceux apparus sur des tablettes à écrire en bois ou présents sous la forme de graffitis, sur une grande partie des vases à puiser. Ils devraient beaucoup apporter à la compréhension de la fonction et de la nature précises de l’établissement de l’Auribelle, livrer aussi une longue liste d’anthroponymes et peut-être même révéler le nom de l’agglomération.

 

Ces recherches constituent une Action de l’axe 3 « Économie et environnement » du LabEx ARCHIMEDE.