Résumé :
Dès la fin du Ier s. ap. J.-C., la population de Rome avoisine le million d’habitants. À cette époque, Auguste planifie la conquête des contrées septentrionales. L’approvisionnement du peuple de l’Vrbs et des armées est une préoccupation de premier ordre et le ravitaillement en huile d’olive, produit indispensable au quotidien romain, devient un enjeu de taille. La province de Bétique réunit toutes les conditions nécessaires pour accueillir une production d’huile à grande échelle, grâce à son climat optimal et aux conditions d’exportation idéales que lui offrent ses cours d’eau navigables. C’est ainsi que l’huile produite dans le Bassin du Guadalquivir et transportée dans les amphores globulaires Dressel 20 alimentera tout l’Occident romain entre le Ier et le IIIe s. ap. J.-C. Si ce phénomène économique majeur est relativement bien appréhendé du point de vue des sites de consommation, la question de la production de l’huile et des amphores en Bétique a été longtemps délaissée.
Les ateliers de potiers d’amphores à huile (Dressel 20 et Dressel 23), installés sur les berges du Guadalquivir et du Genil, sont indéniablement les meilleurs témoins de l’intensité de l’oléiculture dans la région, en raison de l’ampleur des vestiges occasionnés par cette industrie potière. En tant qu’activité subsidiaire de l’oléiculture spéculative, l’évolution de la fabrication d’amphores est donc le reflet fidèle de celle de ce secteur économique. Cette étude microrégionale, consacrée aux ateliers de la vallée du Genil, constitue une approche détournée pour parvenir à appréhender le développement de l’oléiculture à caractère spéculatif. Elle vise à analyser la dynamique économique des ateliers d’amphores à huile de ce territoire, à
comprendre les interactions existantes entre la production industrielle d’huile, le développement de l’industrie potière et les conséquences de ces activités sur l’environnement.
Cette thèse qui s’inscrit dans une perspective archéo-historique, repose à la fois sur un travail documentaire et sur une analyse globale des faits matériels mis en évidence lors d’enquêtes de terrain. Les campagnes de prospections conduites dans la zone étudiée et la fouille de l’atelier de potiers de Las Delicias ont permis un renouvellement considérable des connaissances grâce à la collecte de nombreuses données inédites. La caractérisation des ateliers qui découle du classement et de l’analyse de ces données a permis d’aborder un certain nombre de problématiques relatives à l’organisation du travail, aux procédés de fabrication et aux différentes activités connexes à la production des amphores à huile.
De plus, la richesse épigraphique qui caractérise l’amphore Dressel 20, a permis de corréler les observations archéologiques d’ordre structurel et topographique avec les marques de fabrique à caractère onomastique et toponomastique. L’étude épigraphique poussée des estampilles des différents centres de production a ainsi permis de retracer l’histoire de chaque atelier, en identifiant les acteurs de la production, les stratégies et les modes de gestion mis en place par ces derniers.
Cette approche multiscalaire, partant de l’analyse de chaque atelier, pour ensuite passer à la mise en corrélation des résultats obtenus à l’échelle de la vallée, et rejoindre enfin la sphère de l’oléiculture, a permis de mettre en regard l’histoire sociale avec l’histoire des techniques, et ainsi retracer tout un pan de l’histoire socio-économique de la Bétique romaine.